Origines du FRV
Depuis les années 1990, les fonds de revenu viager (FRV) sont offerts comme option de placement au Canada. En l’espace de quatre ans, toutes les provinces canadiennes ont adopté ce véhicule financier. C’est le Québec qui a ouvert la voie, suivi de plusieurs provinces dont le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, la Colombie-Britannique et le Nouveau-Brunswick.
L’intention du législateur, lorsqu’il a créé le FRV, était de permettre aux Canadiens et Canadiennes d’avoir accès à un instrument financier qui leur permettrait de recevoir des revenus réguliers à partir de leurs propres économies. Il s’agit d’une solution qui offre un revenu de retraite flexible, ce qui facilite la gestion des fonds de retraite.
Le FRV et sa juridiction
Chaque FRV est régi par des règles sous une législation précise. C’est-à-dire que deux FRV détenus par la même personne pourraient être régis par des législations différentes, par exemple, l’un pourrait être de juridiction fédérale et l’autre de juridiction provinciale. La législation qui régit un FRV est déterminée par l’origine des fonds.
À la base, un(e) employé(e) qui quitte un employeur aura trois choix :
- Il/Elle peut retirer la portion du régime de retraite de l’ancien employeur qui lui appartient;
- Il/Elle peut laisser les fonds croître auprès de l’ancien l’employeur jusqu’à sa retraite;
- Il/Elle peut décider de transférer les fonds dans un compte de retraite immobilisé (CRI).
Une fois transférés dans un CRI, les fonds correspondant à la portion du régime de retraite de l’ancien employeur qui appartiennent à l’employé(e) se retrouvent dans un véhicule de croissance, où ils accumuleront des revenus de placement jusqu’à ce que la personne décide de convertir son CRI en FRV. Autrement dit, la conversion se fait au moment où le ou la titulaire est prêt(e) à débuter le décaissement de ses fonds.
Le CRI est un véhicule de placement immobilisé, tandis que le FRV en est un de décaissement, au même titre qu’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). Ils peuvent tous les deux contenir plusieurs types de placements.
Puisqu’un FRV est le résultat de la participation d’un(e) employé(e) au régime de pension d’un ancien employeur qui a été convertie en CRI, il faut se référer à la juridiction sous laquelle cet ancien employeur évoluait. Ainsi, pour un ancien employeur tel que le gouvernement fédéral, une banque ou encore une compagnie ferroviaire, le FRV serait régi par la législation fédérale, à savoir la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.
Dans le cas où la personne travaillait pour un employeur tel qu’un centre hospitalier ou une institution d’enseignement, par exemple, le FRV serait alors de juridiction provinciale. Ainsi, un FRV de juridiction québécoise serait régi par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite du Québec. Il est primordial de vérifier la législation qui régit chaque FRV et d’en valider l’enregistrement auprès de l’institution financière.
Il est essentiel d’être au fait de la législation régissant notre FRV, puisque les règles ne sont pas toutes identiques. Par exemple, un FRV fédéral ne permet pas de retirer la totalité des fonds en une seule transaction. Il est possible à certaines conditions de désimmobiliser jusqu’à 50 % des fonds d’un FRV sous législation fédérale, ainsi que des FRV sous législation provinciale de plusieurs provinces; cependant, les critères varient d’une province à l’autre. Finalement, en ce qui concerne les FRV, il est important de mentionner que l’application des droits successoraux varie également considérablement selon la province.
Une fois que le décaissement souhaité a été effectué, le CRI est converti en FRV, lequel servira d’outil de décaissement ayant comme objectif de fournir un revenu de retraite à partir des économies accumulées.
Nouveautés applicables aux FRV sous législation québécoise
Au 1er janvier 2025, les FRV sous législation québécoise (ci-après FRV-QC) ont été considérablement modifiés. Ces nouvelles règles apportent des changements majeurs pour les titulaires de 55 ans et plus,
ainsi que pour ceux et celles de moins de 55 ans, en supprimant certaines restrictions et en simplifiant les calculs de retraits. Ces changements visent en partie à refléter l'intention initiale du législateur lors de la création des FRV il y a 35 ans, qui était d'offrir davantage de flexibilité aux titulaires.
Titulaires de 55 ans et plus
Les FRV-QC comportent plusieurs possibilités de retraits, et ceux-ci peuvent être additionnés.
Le revenu viager est le revenu type associé au FRV, c’est-à-dire un revenu, versé chaque année, qui dure jusqu’au décès du ou de la titulaire.
Jusqu'au 31 décembre 2024, les titulaires d'un FRV-QC pouvaient tirer un revenu viager de leur FRV en effectuant des retraits à raison d’un montant se situant entre :
- Le montant de retrait maximum déterminé en tenant compte des facteurs suivants :
- Le solde du FRV en début d’année;
- L’âge du ou de la titulaire au 31 décembre de l’année précédente; et
- Un taux d’intérêt de référence annuel fixé par Revenu Québec.
- Le montant de retrait minimum annuel déterminé par un pourcentage fixe relié à ce qui suit :
- Le solde du FRV au 31 décembre de l’année précédente; et
- L’âge du ou de la titulaire au 31 décembre de l’année précédente.
Cette règle contraignait les titulaires à effectuer un retrait d’un montant qui pouvait ne pas répondre à leurs besoins, n’offrant pas la flexibilité souhaitée par plusieurs.
Suppression du plafond des retraits
Les titulaires d’un FRV-QC âgés de 55 ans ou plus au moment de leur demande de retrait peuvent désormais retirer l’entièreté des fonds du compte. Cette modification apporte une flexibilité sans précédent.
Le revenu temporaire est un montant supplémentaire pouvant être retiré d'un FRV-QC. Ce revenu temporaire permettait aux titulaires d'accéder à des fonds supplémentaires au-delà du maximum permis par les règles ci-haut. À la lumière des nouvelles règles, le concept de revenu temporaire, tout comme l’option de retrait unique réservée aux personnes retraitées de 65 ans et plus, n’est plus pertinent.
Le concept de retrait minimum annuel, quant à lui, demeure. Les montants ont cependant été rajustés à la hausse.
Titulaires de moins de 55 ans
Bonification des retraits maximums
Avant 2025, les titulaires d’un FRV-QC devaient respecter les règles concernant les retraits minimums et maximums annuels. Le calcul des retraits quant au revenu temporaire et au plafond du revenu viager s’effectuait en appliquant les formules suivantes :
- Revenu temporaire :
- 50 % du MGA - 100 % des revenus estimés
- Plafond du revenu viager :
- Facteur prévu à l'annexe 0.6 du Règlement sur les régimes complémentaires de retraite × Solde du FRV-QC – Revenu temporaire maximal / Facteur prévu à l'annexe 0.7 du Règlement sur les régimes complémentaires de retraite
Ces calculs offraient la possibilité d’effectuer des retraits tout en maintenant une certaine structure pour éviter des retraits excessifs.
Suite à l’entrée en vigueur des nouveautés le 1er janvier dernier, le plafond des retraits de revenu temporaire est maintenu pour ce groupe de titulaires, avec des rajustements à la hausse. Le calcul du revenu temporaire s’effectue dorénavant en utilisant 50 % plutôt que 40 % du maximum des gains admissibles (MGA), ce qui permet aux titulaires d’avoir accès annuellement à des montants beaucoup plus élevés.
Le calcul des montants de retraits de revenu viager a été simplifié par l’utilisation d’un taux prescrit plutôt que d’un facteur prévu par règlement.
Les revenus estimés sont maintenant pris en compte a 100 %, plutôt qu’à 75 % comme c’était le cas jusqu’à la fin de l’année 2024.
L’outil FRV Calculs Express disponible sur le site de Retraite Québec permet d’illustrer les scénarios de retraits possibles selon la situation particulière de chaque titulaire de FRV-QC.
Retrait de la possibilité de transferts vers certains comptes enregistrés
Il était permis pour un(e) titulaire de transférer annuellement l’équivalent du retrait maximum de son FRV-QC vers un régime enregistré d’épargne retraite (REER) ou un FERR. Cette possibilité n’existe plus pour la totalité des titulaires depuis l’entrée en vigueur des nouvelles règles le 1er janvier dernier, puisqu’elle n’est plus pertinente suivant l’abolition du plafond des retraits.
Ce changement a aussi des conséquences sur la stratégie de désimmobilisation, connue sous le nom commun de « flip-flop », qui consiste à transférer des sommes d'un FRV-QC vers un REER. Cette stratégie visait à contourner certaines limitations fiscales et à offrir plus de flexibilité dans la gestion des retraits. Cependant, avec les nouvelles règles en vigueur depuis le 1er janvier 2025, les titulaires de FRV-QC âgés de 55 ans et plus peuvent désormais retirer des montants sans restriction, rendant ainsi la méthode « flip-flop » obsolète.
Non-résident(e)s du Canada depuis au moins 2 ans
La possibilité de retirer les fonds du FRV-QC pour un ou une titulaire qui a cessé d’être résident(e) fiscal(e) du Canada n’est désormais plus offerte dès que la personne a accumulé deux ans de non-résidence. Pour transférer à l’étranger des fonds d’un FRV-QC au-delà de la période de deux ans de non-résidence, il faudra d’abord convertir le FRV-QC en CRI.
Occasions de planification successorale
Les titulaires de 55 ans et plus d’un FRV-QC peuvent maintenant effectuer des retraits à la hauteur de leurs projets et besoins. C’est une opportunité d’atténuer le stress financier. Cependant, cette nouvelle flexibilité applicable aux FRV-QC s’accompagne d’une responsabilité accrue face à la planification fiscale et successorale pour la personne et sa famille.
Une dépense imprévue ou encore une occasion d’investissement pourraient faire une brèche dans les fonds de retraite d’un(e) titulaire et ainsi compromettre sa propre retraite ou encore réduire de façon importante les fonds disponibles pour sa succession.
Des retraits massifs pourraient aussi entraîner une modification du taux d’imposition applicable au (à la) titulaire de FRV-QC pour une année donnée. Une telle modification pourrait à son tour avoir un impact sur l’admissibilité de la personne à des programmes sociaux. Une planification minutieuse est de mise afin d’assurer non seulement la pérennité des fonds à long terme, mais aussi l’aisance financière du (de la) titulaire du FRV-QC durant sa retraite.
Priorité au conjoint/à la conjointe
Il est prévu dans la législation québécoise que, au décès du (de la) titulaire, les fonds du FRV-QC seront en priorité versés au conjoint survivant/à la conjointe survivante. Cette disposition légale inclut les conjoints mariés, les conjoints unis civilement et les conjoints de fait répondant à la définition de conjoint. Le conjoint survivant ou la conjointe survivante peut recevoir les fonds par roulement à son REER ou FERR sans incidence fiscale immédiate. Un(e) conjoint(e) survivant(e) peut refuser les fonds provenant du FRV-QC en signifiant son intention à l’institution financière où est détenu le FRV-QC. Il/Elle peut le faire du vivant du (de la) titulaire ou encore après le décès de celui-ci ou celle-ci à tout moment avant que les fonds lui soient transférés.
Cette particularité légale de primauté du conjoint/de la conjointe survivant(e) propre aux FRV-QC prévaut même sur les volontés exprimées dans le testament du (de la) titulaire du FRV. Dans le cas d’une famille recomposée, cette option pourrait être utilisée dans le cadre de la planification successorale. Le ou la titulaire pourrait par exemple retirer puis attribuer à ses enfants d’une première union un certain montant de son vivant plutôt que de léguer à son décès, par application légale de la priorité au (à la) conjoint(e), l’entièreté des fonds détenus dans son FRV à celui-ci ou celle-ci.
Coordination avec les autres sources de revenus
Grâce à la possibilité de retrait sans contrainte des FRV-QC, les titulaires peuvent choisir de retarder le début de leurs rentes gouvernementales. Cette façon de faire permet d’augmenter considérablement les prestations futures.
Le Régime de rentes du Québec (RRQ), la Sécurité de la vieillesse (SV) ou encore le Régime de pensions du Canada (RPC) sont les sources de rentes les plus connues, et offrent l’avantage d’une bonification si l’on retarde le début des prestations. Le RRQ peut offrir jusqu’à 58 % de bonification si le début des prestations est reporté à l’âge de 72 ans. Dans le cas du SV et du RPC, les bonifications sont respectivement de 36 % et de 42 % avec un report à 70 ans.
La possibilité de transfert du FRV-QC vers le FERR ayant disparu depuis le 1er janvier 2025, il devient encore plus important de réfléchir à une stratégie intégrée pour gérer ces deux types de comptes. Pour éviter de se faire surprendre par un taux d’imposition non prévu, il est primordial de suivre de près les retraits du FRV-QC effectués en cours d’année.
Les différentes sources de revenus à la retraite s’additionnent en revenu imposable dans les mains de la personne retraitée. Il faut faire une planification minutieuse sur une base annuelle, puisqu’une augmentation du revenu imposable peut affecter l’admissibilité d’une personne à certains programmes sociaux tels que le Supplément de revenu garanti (SRG). Voilà d’autant plus de raisons pour les titulaires de FRV-QC d’être proactifs dans leur planification de la retraite afin d’optimiser la coordination entre les sources de revenus disponibles.
Les modifications annoncées par le ministre des Finances du Québec et ministre responsable de Retraite Québec, en vigueur depuis le début de l’année, ont insufflé une flexibilité sans précédent au régime des FRV-QC afin d’en maximiser les avantages financiers et fiscaux. Le temps nous dira si la stabilité et la durabilité des revenus, principes à l’origine de la création des fonds de revenu viager dans les années 90, sauront être préservées.
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